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Etre musulman
28/09/2006 15:59
comme Khaled El-Masri ne signifie pas être terroriste : quand les Etats-Unis sous-traitent la torture à travers le monde
Texte de la plaidoirie
Etre musulman comme Khaled El-Masri, ne signifie pas être terroriste : quand les Etats-Unis sous-traitent la torture à travers le monde.
I° En guise d'introduction.
Le 11 septembre 2001 - a servi à contre courant de l'histoire - de prétexte à la remise en cause du concept de droits de l'Homme, particulièrement en Occident. Depuis ces attentats, la lutte contre le terrorisme est devenue une des priorités de l'ensemble de la communauté internationale, et un des thèmes majeurs sinon dominants des débats des différents forums intergouvernementaux et au sein des instances internationales et régionales. L'on assiste depuis lors, à de multiples exactions et violations des droits humains résultant notamment de cette « nouvelle guerre » qualifiée d'asymétrique que l'Occident, et à sa tête, les Etats-Unis livrent contre la menace intégriste islamiste, manifestée par de multiples attentats terroristes perpétrés contre leurs intérêts à travers le monde. Alors que rien a priori ne les justifie ou ne les légitime; et qui prennent pour cibles et massacrent pêle-mêle et indifféremment des civils et des non combattants.
L'Organisation des Nations Unies, prenant le prétexte sur ces événements a réactivé les multiples structures en veille à l'effet d'élaborer une convention générale sur le terrorisme international. Joignant la volonté à l'acte, le Conseil de Sécurité, a adopté le 28 septembre 2001 la résolution 1373 inspirée du chapitre 7 de la Charte des Nations unies qui a force obligatoire pour tous les Etats membres de l'ONU. Laquelle réaffirme que tout acte de terrorisme international constitue une menace pour la paix et à la sécurité internationale, justifiant le droit de légitime défense, individuelle ou collective.
Recoupant des pans importants du droit international des droits de l'Homme, la résolution 1373 a pour effet principal de donner de larges pouvoirs aux Etats en vue d'opérer une intrusion majeure dans le domaine des droits fondamentaux, telles les libertés d'aller et de venir, d'expression, le droit d'asile ou encore le principe de non refoulement. Ces mesures draconiennes font l'objet de préoccupations de la part d'organes et de mécanismes internationaux de protection des droits de l'Homme, tant au niveau régional qu'universel.
La Rapporteuse spéciale sur la question du terrorisme et droits de l'Homme, Mme Kalliopi K. Koufa relève avec pertinence que: « depuis les événements du 11 septembre (...), l'activité politique et juridique liée au terrorisme continue à révéler des réactions proches de la panique (...). Or ces réactions qui confinent à la panique peuvent avoir de graves incidences sur le droit international et sur le droit relatif aux droits de l'Homme, ainsi que sur le droit humanitaire. »
Avant le 11 septembre, la lutte contre le terrorisme intégrait davantage la coopération judiciaire. Mais, depuis les attaques des tours jumelles du World Trade Center et du Pentagone, symboles de la politique isolationniste des Américains, les Etats occidentaux - les Etats-Unis en tête - pour la plupart ont invoqué les concepts de « sécurité globale », « global terrorism », « ennemis de l'intérieur », « guerre à l'incivilité », « ennemi anonyme et sans visage » ou encore « combat mondial contre l'extrémisme violent » au nom de la lutte contre le terrorisme pour élaborer des
mesures visant à limiter les libertés fondamentales en général. Même les pays qui ne sont pas confrontés directement à la menace terroriste, invoquent la lutte contre le terrorisme pour adopter des mesures destinées à les restreindre et mater ainsi toute velléité contestataire.
Le risque est donc important de donner l'étiquette de terrorisme à toute initiative de défense des droits et libertés fondamentaux ; faisant ainsi resurgir le vieux débat sur la fin et les moyens. Les attentats du 11 septembre ont en effet remis sur la sellette la relation sécurité-droits de l'Homme ou encore le débat sur la raison d'Etat et la raison Humaine. Il faut pouvoir répondre à la question cruciale de savoir si les droits et libertés fondamentaux méritent d'être sacrifiés à l'autel de la lutte contre le terrorisme ? Autrement dit, les auteurs des crimes odieux ou les personnes soupçonnées de participer à une entreprise terroriste quelconque doivent-ils être démunis de leurs droits fondamentaux au nom de la répression de cette barbarie? Mieux, Le caractère inhumain et extrêmement grave des actes terroristes justifie-t-il que l'on nie leur humanité à ces personnes ? Ou encore peut-on aborder la question des libertés différemment en « période exceptionnelle » ? Pour tout dire, la lutte contre le terrorisme qui se veut en défense des principes élémentaires d'humanité, peut-elle cautionner une réaction qui en elle-même nie ces principes et se transforme en tortures ?
Toutes tentatives d'apporter une réponse à ces lancinantes questions, passent nécessairement par une introspection de nos mémoires et consciences respectives ; sur le point de savoir quelles explications nous réservons à la postérité qui s'interrogera sur le mérite que nous aurons eu à défendre coûte que vaille et sans faillir, les valeurs et principes que d'autres générations ont bâtis au prix de tant de sueur et de sang !!!
Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Walter Schwimmer, lors de la 10ème conférence judiciaire internationale ne faisait t-il pas observer que même si le terrorisme doit être combattu avec la plus grande force, il n'est pas question d'affaiblir les valeurs inspirées de la démocratie au nom même de la défense de ces valeurs . Le terrorisme en tant que fléau nouveau constitue une barbarie au même titre que les génocides laissés sur la conscience de l'humanité et de nombreuses guerres qui ont jalonné notre histoire. Au sortir de tous ces évènements cependant, des tribunaux ont été crées pour donner l'occasion aux auteurs de ces exactions d'être jugés et surtout permettre à l'humanité d'en tirer les leçons.
Les Etats-Unis dans le contexte de la lutte antiterroriste, font usage au contraire de moyens qui ne cadrent pas avec les conventions des Nations-Unies en matière de lutte contre la torture particulièrement. Car, ruminant très difficilement les réminiscences de l'acte terroriste le plus sanglant de l'histoire de l'humanité, – qui a réveillé du même coup l'instinct humain de vengeance -, et pris dans la brutalité de cet affront, la première puissance mondiale pour tenter d'exorciser cette « honte » ; va entreprendre la grande croisade contre ce que le président G.W. Bush a qualifié de « l'axe du mal » à l'effet de vaincre cette nouvelle folie humaine qui tente en vain de revêtir les oripeaux d'une lutte idéologique. Mais qui est loin d'en être une, et conduite par Ben Laden et ses lieutenants qui sont les seuls à en maîtriser les tenants et les aboutissants.
La méthode de cette nouvelle guerre - menée aux Etats-Unis et au-delà de ses frontières - consiste à prêter à toute initiative, et à voir dans les groupes et individus autonomes les « agents dormants » d'une organisation terroriste structurée. Il s'agit en terme de planification « d'infiltrer les organisations d'obédience musulmane », de « réduire à néant », « éradiquer » la moindre menace émanant de tel citoyen américain, d'autre nationalité ou religion - surtout musulmane - qui serait indexé, montré du doigt ou soupçonné d'appartenir à ce que l'on appelle désormais les « réseaux islamistes dormants ».
L'on assiste par conséquent à une sorte de chasse aveugle et universelle aux terroristes. Si bien que depuis les attaques des 11 septembre 2001 et 7 juillet 2005, les musulmans et les Arabes sont victimes d'une poussée de haine raciale, de violence, d'intolérance, de discrimination, d'expulsions abusives d'individus fondées sur l'élaboration d'un profilage, des codages et la construction des schémas subjectifs qui privilégient le soupçon au détriment de la preuve.
Cette situation pousse l'observateur averti à conclure que les attaques du 11 septembre ont certainement marqué une césure historique dans le droit international des droits de l'Homme. Pourtant, la définition de cette barbarie reste ambiguë. Car, en vertu de la maxime « nullum crimen sine lege », les définitions légales des infractions pénales doivent être strictes et dépourvues de tout équivoque.
Dans la phase de mise en ½uvre de ce combat, les Etats-Unis ont inventé ce qu'ils ont qualifié de «restitution extraordinaire » et sont depuis les attentats du 11 septembre impliqués dans un trafic mondial de personnes, consistant en la déportation de militants islamistes dans les pays du Maghreb et du Proche-Orient ; où ceux-ci sont et courent le risque d'être torturés et de subir des interrogatoires de types musclés, que les agents américains ne sont pas autorisés à pratiquer eux-même. Ces « restitutions extraordinaires » ont lieu à travers le monde, au travers des « prisons fantômes », encore appelés «sites noirs» et autres « centres de détention off shore » qui se trouvent en zone de conflit ou non : Irak, Afghanistan, Bosnie, Croatie, Macédoine, Albanie, Libye, Soudan, Kenya, Zambie, Pakistan, Indonésie, Jordanie, Egypte, Syrie, Tunisie, Malaisie, Thaïlande et même certains pays européens tels que la Pologne et la Roumanie selon Human Rights Watch.
Après les attentats du 11 septembre, l'administration américaine a élargi l'autorité de la CIA, et le résultat a été que l'agence a déplacé plus de cent personnes d'un pays à un autre, sans respecter la procédure légale et sans permettre l'intervention du Comité International de la Croix Rouge. Droit pourtant reconnu à tous les prisonniers détenus par des américains. Un ancien responsable de la CIA, Michael Scheuer confirme que de telles pratiques sont cautionnées par les autorités américaines.
II° Le cas Khaled El-Masri, ou la partie visible de l'iceberg.
L'un des cas majeurs, illustrant ces « restitutions extraordinaires » concerne l'incroyable aventure de Khaled El-Masri. Simple vendeur de voitures dans la petite ville allemande d'Ulm, il a été kidnappé sur son lieu de vacances, mené pieds et poings liés dans un avion et jeté dans une geôle immonde à destination de l'Afghanistan, où il a été traité « comme un animal », dit-il, pendant cinq mois avant d'être relâché sur un sentier de montagne du Nord de l'Albanie. Sa terrible histoire aurait pu arriver à n'importe qui. La CIA l'a semble t-il confondu avec un homonyme, Khalid Al-
Masri recherché pour ses liens avec Al Qaïda. « En tout cas, je veux comprendre ce qui m'est arrivé », plaide calmement El-Masri, encore sous le choc.
En effet, tout commence fin 2003 par un voyage en bus d'Ulm à Skopje, capitale de la Macédoine peu après Noël. Une dispute avec sa femme libanaise, avec laquelle il vit ainsi que ses quatre enfants, le décide à « décompresser » en s'offrant un séjour en Macédoine. Il traverse sans encombre plusieurs pays, mais les gardes-frontières l'appréhendent le 31 décembre 2003 au vu de son passeport d'où il transparaît qu'il est devenu allemand à la suite d'une naturalisation depuis 10ans ;
Tandis que le bus repart, El-Masri est mené dans un hôtel de Skopje. Il y restera enfermé dans une chambre pendant vingt jours, en compagnie de trois policiers en civil, se relayant toutes les six heures. « Nous savons tout », lui dit-on. Les interrogatoires se succèdent, en anglais, qu'El-Masri parle mal. On le questionne sur la mosquée d'Ulm qu'il fréquente. Ce lieu de culte est soupçonné depuis longtemps par la police allemande de soutenir le terrorisme islamiste. « Dites que vous faites partie d'Al-Qaïda et nous vous renverrons en Allemagne », lui proposent ses gardiens, qui l'accusent d'avoir « suivi un entraînement à Jalalabad en Afghanistan », de posséder un faux passeport et d'être en réalité égyptien. Refus d'El-Masri, qui exige en vain, de voir un agent consulaire allemand. «Vous n'êtes pas prisonnier ! », soutiennent les gardes, qui, pointent un revolver sur lui lorsque le captif fait mine de quitter la pièce aux rideaux tirés. « Ils m'accompagnaient jusque dans les toilettes », se souvient El-Masri.
Le 23ème jour, les policiers macédoniens lui annoncent sa libération. « Ton cas n'est plus de notre ressort » lui dit-on. Il signe une décharge et est filmé par la police affirmant qu'il a été bien traité. Mais, à peine met-il les pieds hors de l'hôtel que d'autres hommes se jettent sur lui, le mettent dans un sac, l'enfournent dans un 4x4 et le conduisent dans une pièce, semble-t-il près de l'aéroport, le bruit des avions étant audible.
« A peine entré, les coups ont commencé à pleuvoir. Mes habits ont été ôtés aux ciseaux et au cutter. Les coups ont redoublé quand j'ai voulu garder mon pantalon ». Les agresseurs tentent de lui introduire un objet dans l'anus, puis il est photographié nu. « Il y avait sept ou huit hommes cagoulés, tous vêtus de noir ». Habillé de force d'un survêtement, il est équipé d'une couche-culotte pour adulte, de menottes attachées à une ceinture, et de chaînes aux pieds. ... La tête dans un sac opaque, il est mené à une passerelle d'avion, monte une quinzaine de marches, est attaché au sol et aux parois de ce qui lui paraît être un « avion de ligne ». Ses ravisseurs lui injectent un soporifique et il reprend ses esprits quelques temps plus tard dans un coffre de voiture, avant d'être projeté sur le sol d'une cellule sans litière, minuscule et poussiéreuse. Dans un coin, une cuvette pour ses besoins. Les gardes sont vêtus d'un shalwar-kamiz et d'un pacol, tunique et couvre chef afghan.
Il ne met pas long à se rendre compte qu'il se trouve en Afghanistan, à Kaboul, près d'un aéroport fréquenté. Un homme aux cheveux gris d'une soixantaine d'années, qu'il suppose être un médecin américain, lui fait une prise de sang. « Tu sais où tu es... ? Dans ce pays il n'y a ni droits ni lois, personne ne sait où tu es et tout le monde se fout de ce qui peut t'arriver », lui crie d'emblée son interlocuteur, un homme masqué qui parle arabe « avec un accent libanais », mais « capable de parler parfaitement anglais ».
Les premiers interrogatoires se déroulent avec la présence silencieuse de sept ou huit autres hommes masqués. Battu, projeté contre les murs de la salle d'interrogatoire, El-Masri est à nouveau accusé d'appartenir à Al-Qaïda, d'avoir fréquenté deux des pirates de l'air du 11 septembre 2001, Mohammed Atta et Ramzi Bin al-Shibh. Il nie tout et exige de contacter l'ambassade d'Allemagne.
La prison, située en sous-sol, est « gérée par des Américains, qui ne cachent pas leur nationalité », explique t-il. « Nous allons en référer à Washington ». Il décide, en mars 2004, de faire une grève de la faim avec les huit autres détenus, avec lesquels il parvient à échanger des messages, notamment deux Pakistanais nés en Arabie Saoudite, un Pakistanais vivant aux Etats Unis, un Yéménite résidant en Arabie Saoudite, deux Afghans et deux Tanzaniens. « Comme moi, tous avaient été kidnappés dans diverses régions du monde, dit El-Masri. Mais eux avaient été terriblement torturés dans une autre prison spéciale en Afghanistan, ce qui n'a pas été mon cas. Certains avaient été violés, d'autres suspendus au plafond des jours entiers, aspergés d'eau et exposés au froid hivernal, ou laissés des mois entiers dans une pièce avec une musique à fond en permanence». La grève de la faim collective dure trente cinq jours. « J'étais seul dans ma cellule vide, ou rien ne pouvait me détourner de la souffrance de la faim. Chaque heure me paraissait être un jour. Mais le pire pour moi, c'était de ne pas connaître la raison de ce qui m'arrivait ». Pour finir, ses geôliers le nourrissent de force avec un tube introduit par le nez, et il cesse sa grève de la faim. Les Américains lui promettent une libération prochaine. Sept de ces codétenus sont, eux évacués dans un autre lieu de détention dans un camion-container ; un moyen courant de transporter des prisonniers en Afghanistan. Depuis sa cellule, il aperçoit un bâtiment, et crie pour faire connaître sa présence. Les deux directeurs de la cellule secrète, un afghan et un américain, viennent le sermonner dans sa cellule.
Son exigence répétée de voir un représentant allemand porte ses fruits puisqu'un jour apparaît le prénommé « Sam », un allemand qui refuse de dire s'il représente les autorités de Berlin. L'homme est amical, lui fait comprendre qu'il est là pour préparer sa libération. Celle-ci, dit-il « peut prendre un certain temps, car les Américains sont déterminés à ne pas laisser de traces de [ton] passage à Kaboul ». Pour cette raison, ajoute le mystérieux allemand, son retour « doit se faire d'une manière compliquée ». Sam lui a demandé s'il parlera à la presse. « J'ai dis non. J'avais trop peur qu'ils se débarrassent de moi. »
Une semaine plus tard « Sam » lui explique q'il ne mangera, ni ne boira pendant 24 heures car il ne pourra faire ses besoins durant le voyage qui l'attend. El-Masri est à nouveau mené les yeux bandés, dans un avion en compagnie de « Sam ». A l'arrivée, un groupe d'hommes silencieux le conduit sept ou huit heures durant dans un mini bus. Son bandeau ôté, il découvre une forêt dans un paysage montagneux, et le groupe d'hommes masqués qui l'accompagnent. Son passeport, son argent et toutes ses possessions confisquées cinq mois plus tôt lui sont restitués. On lui fait signe de suivre un sentier, sur lequel il rencontre, 300 mètres plus loin, trois militaires albanais en uniforme qui l'attendent. «Vous n'êtes pas en règle », lui disent-ils. El-Masri leur raconte son odyssée, accueillie par les rires de l'officier anglophone : « ne racontez pas cette histoire, personne ne vous croira ». Visiblement au courant de son jeûne forcé, les trois militaires lui remettent un paquet préparé pour lui contenant de la nourriture, puis le conduisent en voiture à nouveau sept à huit heures à l'aéroport Mère Teresa de Tirana, l'aident à acheter un billet pour Francfort et le mettent dans l'avion. Son passeport vu par le journal « Libération », est tamponné à la date du 24 mai 2004. De Francfort, le rescapé rejoint Ulm, où il découvre que sa femme, persuadée qu'il l'avait quittée pour une autre, est partie au Liban avec ses quatre enfants. Elle l'a aujourd'hui rejoint à Ulm.
Amnesty International tout comme la justice allemande prennent très au sérieux le cas de Khaled El-Masri, qui a porté plainte contre X. De nombreux éléments corroborent son récit, à commencer par les tampons sur son passeport et le témoignage du chauffeur du bus. L'hôtel de Skopje a été retrouvé par son avocat, ainsi que deux des compagnons de prison d'El- Masri, également relâchés par les Américains. « Nous avions tous appris par c½ur les numéros de téléphone des uns et des autres, de manière à ce que si l'un d'entre nous sortait, il avertirait les familles des autres », explique El-Masri. Un laboratoire allemand qui a analysé les cheveux d'El-Masri, a conclu que son régime alimentaire correspondait à la région géographique où il dit avoir été retenu, selon son avocat.
III° Restitutions extraordinaires, torture et autres violations des droits de l'Homme.
Ces violations qui ne sont malheureusement pas isolées sont souvent accompagnées de bavures en tous genres. Toutes choses qui violent au grand jour, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en son article 5 qui stipule que nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le principe de non refoulement dispose clairement « qu'aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un Etat où il y a de justes et sérieux motifs de croire qu'elle risque de subir et/ou d'être soumise à la torture. »
Des témoignages accablants ont contraint les autorités américaines à s'expliquer sur le procédé des « restitutions extraordinaires ». Reconnaissant leur existence, le président G.W. Bush a affirmé que dans le monde d'après le 11 septembre, les Etats Unis doivent s'assurer qu'ils protègent leurs populations et leurs amis d'attaques. Une façon de le faire est d'arrêter les gens et de les renvoyer dans leur pays d'origine, avec la promesse qu'ils ne seront pas torturés.
L'argument des garanties demandées aux pays qui reçoivent les prisonniers est qualifié de « vernis de la légalité » par Human Right Watch. Puisque les engagements ne seront jamais respectés. Le Ministre de la Justice, Alberto Gonzales a d'ailleurs lui-même reconnu qu'aucun contrôle fiable n'était véritablement possible à propos de ces garanties.
L'externilisation de la torture par les Etats-Unis sous le couvert de multiples prisons fantômes et les centres de détention off shore, l'existence de la prison de Guantanamo et le scandale d'Abou Ghraïb viennent davantage ternir cette image d'une nation qui se veut le gendarme du monde et le modèle démocratique en soi.
Or, depuis toujours, les Etats-Unis se sont enorgueillis de leurs droits constitutionnels : libertés de la parole et de la presse, particulièrement importantes en temps de guerre, quand un débat public vigoureux devient essentiel à la démocratie et au respect des droits et valeurs humains héritées de nos illustres prédécesseurs.
Il n'est pas rare que des gouvernements mettent en ½uvre des solutions policières draconiennes dans les périodes de crises aiguës.
La guerre contre le terrorisme a ainsi servi de leitmotiv aux Etats occidentaux pour adopter une série de lois encore plus restrictives et prétendument destinées à combattre ce fléau. L'on assiste à une réorientation radicale des valeurs fondamentales qui avaient jusque là en occident. Il s'agit de faire des suspects, des coupables dépourvus ab initio du droit de se défendre. L'Etat d'exception est ainsi banalisé pour des individus ou des groupes qui dérogent aux normes et valeurs de la civilisation occidentale telle que définie par les tenants d'une lutte contre le terrorisme tous azimuts.
Par leur travail routinier de sélection des informations, d'analyse, d'interprétation et de prospection, les services de renseignements participent de facto à la délimitation du jeu politique. En qualifiant ou en disqualifiant certains interlocuteurs sur la base de leurs propres appréciations, ces derniers leurs permettent ou non d'y participer. Ils apparaissent ainsi comme des gardiens, - souvent méconnus - de l'ordre politique et leurs modes de perception pèsent sur sa définition et son fonctionnement. Les principes d'actions des services de renseignements basés sur le soupçon, s'opposant à ceux du monde judiciaire, pour le quel, le rapport au droit et à la preuve est nécessaire.
C'est ainsi qu'une origine étrangère, particulièrement d'un pays musulman, un niveau d'études particulièrement élevé, la fréquentation de telle ou telle mosquée ou association en fonction de son obédience fondamentaliste - surtout salafiste -, un mode alimentaire précis, surtout oriental -, des voyages fréquents, une rupture professionnelle et des séjours à l'étranger... fondent et déclenchent automatiquement l'attention des services de renseignements et constituent de « sérieuses raisons de croire » que l'on se trouve en face d'un terroriste. Il en va de même des « convertis », qui deviennent la métaphore de l'ennemi invisible, fondu dans la population et bénéficiant de tous les avantages que procure la nationalité : libre circulation, protection juridique ; facilités administratives ; que les compatriotes sont tenus de dénoncer dès lors qu'il existe de « soupçons raisonnables», « laissant penser » qu'il manifeste l'intention de commettre un acte terroriste.
Après les attentats du 7 juillet 2005 et ceux manqués du 21 dans la même période à Londres, l'on a dénombré à la date du 5 août 2005 près de 300 attaques racistes dirigées contre les citoyens britanniques d'obédience religieuse musulmane. Les statistiques font état de ce que les attaques de type racistes dirigées contre les musulmans ont augmenté de 600% depuis le 7 juillet 2005 ; contraignant le directoire du culte musulman à appeler ses adeptes à ne plus afficher de signes visibles de leur appartenance à leur religion. D'ailleurs, beaucoup de musulmans se plaignent d'être montrés du doigt et la tentation est forte de faire l'amalgame et de tout confondre.
IV° Eviter les amalgames dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Avec un peu de recul, il y a lieu de s'interroger profondément sur les avantages et inconvénients de ces conclusions hâtives et autres mélanges de tous genres, entre les indicateurs révélés par les services de renseignements et leur identification à tel ou tel individu ou groupe???
L'histoire enseigne que les moments d'hystérie, de guerre et d'instabilité sont des temps où il ne faut surtout pas promulguer de nouvelles lois limitant les libertés et octroyant des pouvoirs encore plus grands à l'Etat et à ses organes répressifs.
Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression a précisé que : « ...riposter au terrorisme en amputant des droits fondamentaux dont certains ont mis plusieurs siècles à se matérialiser revient à faire le jeu des terroristes et à laisser la crainte triompher des droits. »
Après Nairobi, Mombassa, Nairobi, New-York, Madrid, Bali, Beslan, Charm El-Cheikh, Londres, et très récemment New Delhi, certaines nations à la suite des Etats-Unis et d'autres pays occidentaux, dans le but de justifier le combat contre le terrorisme ont déclaré et que leurs propres actions relevaient de la même stratégie.
Lors de son discours sur l'état de l'union le 20 septembre 2001, le Président Bush a déclaré en substance que « chaque pays, sur chaque continent, doit maintenant prendre une décision : soit il est avec nous, soit il est avec les terroristes ». Comme quoi, qui n'est avec nous est contre nous. Le porte-parole de la Maison Blanche, M. Ari Fleischer confirmant la censure ambiante qui règne sur les libertés d'expression, d'association, d'aller et de venir particulièrement a déclaré que « les gens doivent faire attention à ce qu'ils disent et ce qu'ils font ».
V° Les risques de contagion consécutifs à une lutte aveugle contre le terrorisme.
Comme par effet de contagion, le gouvernement communiste de Pékin a engagé une politique de répression et de discrimination à l'encontre des populations ouïgours de l'Ouest de la Chine en réprimant plusieurs émeutes dans le Xinjiang, province à majorité musulmane. La Russie s'est appuyée sur les stratégies pratiquées par le gouvernement américain pour justifier les actes de répression barbares menés pour soutenir la guerre dans le Caucase russe et particulièrement en Tchétchénie, région musulmane.
Il n y a aucun doute que la lutte contre le terrorisme doit être menée. Mais, dans le respect de la vie, de la dignité, de la protection et de l'intégrité physique et psychologique humaines. L'interdiction de la torture fait partie du droit international coutumier. Ce qui signifie qu'elle est une obligation pour chaque membre de la communauté internationale, indépendamment du fait qu'il ait ratifié ou non les instruments internationaux dans lesquels la torture est expressément interdite.
La torture est le plus souvent pratiquée lorsqu'une personne est détenue sans possibilité de voir un avocat, sa famille et ses proches ou des groupes de la société civile. La Commission des droits de l'Homme rappelait justement aux Etats qu' :« une période prolongée de détention au secret (pouvait) faciliter la pratique de la torture et (pouvait) en soi, constituer une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l'article 1 de la convention contre la torture.».
Depuis 1977, le département d'état américain publie un rapport consacré aux droits de l'Homme dans le monde. Celui dressé en 2004 sur l'état des avancées des libertés dans le monde liste au premier rang des pays tortionnaires, l'Egypte, la Syrie, la Jordanie... et comble de l'ironie, un seul Etat est oublié : les Etats-Unis : amnésie ou d'une schizophrénie ??
VI° Le Plaidoyer
Les difficultés de la tâche, ajoutée à l'inquiétude légitime des différents gouvernements face à cette menace et à leur relatif désarroi pour y faire face expliquent et légitiment les plaidoyers pour la limitation des libertés et la mise en place des moyens d'exception policiers ou judiciaires au détriment d'une application saine des instruments de droit international protecteurs de la vie, de l'intégrité et de la dignité humaines.
Il faut en effet éviter que sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, l'on assiste à un affaiblissement de la surveillance en matière de droits de l'Homme ou à une acceptation de pratiques contraires aux droits fondamentaux commis par action ou par abstention par les gouvernements. La lutte contre le terrorisme ne devant jamais dégénérer en actes de tortures et en mauvais traitements, ni d'ailleurs en violations d'autres droits de l'Homme et libertés fondamentales. Ce serait s'abaisser au niveau des terroristes et cela ne pourrait que saper les fondements de nos sociétés démocratiques.
Le but de notre plaidoyer, est de rappeler le principe fondamental de non-discrimination en vertu duquel chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés, sans distinction de religion. Les nations civilisées doivent éviter le piège qui consiste à renoncer aux valeurs civilisées dans le contexte de la lutte contre le terrorisme
Car en effet, comme le soulignait fort bien le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée :« Dans le désarroi, certains individus et gouvernements ont vite fait l'amalgame entre terroristes, musulmans et/ou arabes (et) que les attentats terroristes du 11 septembre ont provoqué - et continuent de provoquer – des réactions racistes à l'égard des musulmans, des arabes, des populations du moyen orient et dans un certain nombre de pays, notamment l'Australie, le Canada, les Etats-Unis, et plusieurs pays membres de l'Union européenne (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Unie, Australie, Suède). L'accroissement des insultes, d'agressions physiques ou d'atteintes aux propriétés de membres de ces communautés ont été relevées.».
D'avis de Mme Jila Hilani, Représentante spéciale des Nations Unies pour les défenseurs des droits de l'Homme, «Dans le climat actuel, ceux qui contestent la légitimité de certaines des mesures prétendument antiterroristes prises après le 11 septembre, ou tout simplement qui ne sont pas conformes aux normes sociales – migrants, réfugiés, demandeurs d'asile, membres des minorités religieuses ou autres, ou personnes vivant en marge de la société – peuvent être taxés de terroristes et se trouver pris dans un engrenage de répression et de violence ».
La nature odieuse et particulièrement grave de certains actes terroristes ne peut servir de prétexte à un Etat pour ne pas accomplir ses obligations internationales en matières de droit de l'Homme, et à plus juste titre quand les droits intangibles, inattaquables, définitifs et indérogeables sont mis à l'épreuve tels les droits à la dignité et à la vie, dérivant de l'interdiction de tous actes de tortures, de détentions et gardes à vue arbitraires et illimitées. Aucun Etat ne peut invoquer les instruments internationaux protecteurs des droits de l'Homme pour limiter ou nier d'autres droits plus amples ou plus favorables qu'ont les personnes en vertu de normes ou de pratiques conférées par le droit international ou national. Le droit international des droits de l'Homme devant être utilisé en tout temps comme lex spécialis. Les mesures prises pour lutter contre le terrorisme doivent être conformes à la charte des Nations-Unies et ne seront considérées comme légitimes que si elles respectent les principes fondamentaux et les normes universellement reconnues du droit international, notamment du droit relatif aux droits de l'Homme et du droit international humanitaire.
A la suite du Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi A. Annan nous soutenons fermement que la communauté internationale ne devrait jamais perdre de vue le fait que sacrifier la liberté ou les principes du droit au sein des Etats - ou déclencher de nouveaux conflits entre les Etats au nom de la lutte contre le terrorisme - revient à offrir aux terroristes la victoire qu'aucun de leurs actes ne pourrait jamais leur donner. Le risque étant que dans notre souci de sécurité, nous nous retrouvions sacrifiant les libertés essentielles. Ce qui affaiblirait notre sécurité commune, au lieu de la renforcer, et causerait une érosion par l'intérieur de notre mode de gouvernement démocratique. ...La vigilance devant être de règle pour tous les citoyens, afin qu'il n y ait pas de groupes entiers de nos sociétés qui se trouvent stigmatisés et punis pour le comportement répréhensible de quelques uns.
Oui, la Société internationale ne saurait être guidée par les marchands de la peur qui répandent à tout vent, des cris d'hystérie et de paranoïa collectifs et qui ne recherchent que leurs propres intérêts économiques; en poussant à longueur de journée des signaux lugubres et d'apocalypse sur les dangers supposés de l'Islam, qui se démarque et se distingue d'une image terroriste, qu'on tente en vain de lui coller.
L'occasion de cette plaidoirie vise à inscrire la lutte contre le terrorisme dans une perspective humanitaire durable; en créant pourquoi pas, un tribunal pénal international ad hoc chargé de juger les personnes coupables d'actes de terrorisme au lieu de les traquer comme des animaux. Ceci à l'exemple de Nuremberg et d'autres procès historiques ayant mis en cause Klaus Barbie ou encore Adolf Eichmann. Afin que l'histoire tire les leçons pour préparer une société internationale plus sûre.
Cette bouteille jetée à la mer, a pour seul but de dynamiser les réflexions entamées concernant l'urgence qu'il y a d'humaniser toutes les mesures de lutte contre cette barbarie qu'est le terrorisme et d'autres questions humanitaires auxquelles est confronté l'Occident.
Dans cette perspective, il y a lieu de dénoncer - peut être est ce la solution à ces comportement anarchiques ? - les dérives et tendances ultra libérales de l'économie mondiale qui oublient très souvent de prendre en compte les intérêts des plus pauvres : Allusion est faite aux drames et tragédies humains vécus chaque jour près de la corne de l'Afrique, et dont les plus médiatisés concernaient les enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta.
Yaoundé,6 novembre 2005
Joël Francis DJONKO KAMDEM Avocat au Barreau du Cameroun Prix Jeune talent du 15ème Concours International de Plaidoiries (Caen-France) fjk_2002@yahoo.fr merci joel
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